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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 21:04



Né à Paris en 1622, Jean-Baptiste Poquelin, fils du tapissier du roi Jean Poquelin, devait hériter de la charge de son père. Mais il choisira une vie différente, se faisant comédien, fondant avec l’actrice Madeleine Béjart la troupe de l’Illustre Théâtre et prenant pour pseudonyme Molière.

En 1664, sa pièce Tartuffe est censurée. Pour nourrir sa troupe, il écrit en l’espace de deux mois Dom Juan (1665) qui, malgré le succès qu’il rencontra, ne fut joué que 15 fois à cause notamment de son  « impiété ». Reprise sur scène au XIXème siècle, elle est aujourd’hui reconnue comme un chef d’œuvre du théâtre français.

Il s’agit de l’histoire d’un noble sicilien et libertin à l’excès qui, tout au long de la pièce, reçoit différents signes du mécontentement divin avant que celui-ci le happe dans les flammes de l’enfer. L’une des grandes caractéristiques de l’œuvre de Molière réside dans la peinture sociale faîte par l’auteur. En effet, se croisent dans Dom Juan aussi bien les nobles, les bourgeois, les serviteurs mais aussi  les paysans et les plus pauvres.

Aussi pouvons-nous nous demander comment Molière s’y prend-il pour peindre la société au travers de sa pièce ?

Nous verrons dans un premier temps la peinture de la noblesse, avant de porter notre attention sur la satire de la bourgeoisie pour enfin remarquer la représentation contrastée du peuple.

 

Dans cette pièce, la noblesse se caractérise par l’attitude de personnages tels que le héros, Dom Juan, son père, Dom Louis, son épouse, Done Elvire et les frères de celle-ci, Dom Carlos et Dom Alonse. Cette diversité de protagonistes nous propose différentes approches de cette classe sociale.

Dom Juan est un libertin. Il ne respecte pas les codes tels que nous le montre la deuxième scène de l’Acte III où il propose de donner un louis d’or à un pauvre si celui-ci blasphème. Ce chantage met en évidence le vœu de l’auteur de créer un personnage contre-nature qui s’oppose à celui de Done Elvire, son épouse délaissée. Celle-ci est détentrice de valeurs morales. Elle est pour le respect de la Femme et possède le sens de l’honneur comme nous l’indique l’Acte III où elle envoie ses frères tuer Dom Juan pour laver l’honneur de sa famille. A la scène 6 de l’Acte IV, son comportement change radicalement. Elle n’est alors plus la femme voulant faire justice mais la messagère du courroux divin. Le Ciel est alors le représentant des valeurs à adopter (« Le Ciel a banni de mon âme toutes ces indignes ardeurs que je sentais pour vous », « vos offenses ont épuisé sa miséricorde »). Ainsi cette femme, par sa droiture, son intégrité, sa foi en ses principes et sa piété est l’opposée de Dom Juan et représente une noblesse d’honneur.

Le héros est « un épouseur à toutes mains », qui se rit aussi bien de l’amour que les femmes lui portent, que de la religion et du mariage qui n’est autre qu’un pacte passé devant Dieu. Pour lui, passer sa vie avec une même épouse serait-ce priver des plaisirs de la vie tandis que les couvents lui paraissent comme un lieu où les femmes lui sont interdites, ce qui attise son envie (il a en effet enlevé Done Elvire d’un couvent). Son père, Dom Louis semble se rattacher dans son attitude à Done Elvire puisque comme elle, il vient trouver son fils pour lui faire changer de comportement. Sans succès puisque comme pour M. Dimanche pour qui il n’a pas payé ses créances, Dom Juan utilise la séduction et l’hypocrisie pour manipuler ceux qui tentent de s’opposer à lui. De ce fait, il ne semble ni respecter ses engagements (créances), ni même sa famille (son père). En outre, en plus de blasphémer, il va jusqu’à railler les morts comme nous l’indique la scène 5 de l’Acte III où il propose à sa victime, le Commandeur, de venir souper chez lui. De plus, Dom Juan n’a aucun remord à manipuler Charlotte et Mathurine, deux paysannes qui l’ont pourtant sauvé de la mort.

Pour ce qui est des frères de Done Elvire, ceux-ci nous montre un bel exemple de loyauté et de sens de l’honneur car même s’ils doivent tuer Dom Juan pour essuyer l’honneur de leur faille, ils n’osent s’en prendre à l’homme qui sauva l’un d’entre eux (Dom Carlos à la scène 3).

 

Ainsi, la noblesse est peinte de différente façon. D’un côté certains nobles ont le sens de l’honneur, le respect des morts,  du mariage, du Ciel, des codes sociaux...et d’un autre, Dom Juan s’oppose radicalement à tout cela. Mais qu’en est-il de la bourgeoisie ? C’est ce que nous verrons dans un second temps.

 

Moins représentée que la noblesse, la Bourgeoisie se caractérise par un personnage, M. Dimanche, ainsi que par le rôle que joue Sganarelle en revêtant l’habit de médecin. Cette classe sociale est véritablement critiquée par Molière. En effet, il met en scène (Acte IV scène 3) un commerçant, M. Dimanche, créancier de Dom Juan et Sganarelle. Usant d’hypocrisie et de familiarités, le héros en va jusqu’à demander des nouvelles du chien et coupe systématiquement son invité à chaque début de répliques. Le bourgeois semble alors effacé devant le noble. De plus, lorsque Dom Juan quitte le commerçant, Sganarelle joue le même rôle pour éviter de payer ses dettes.

Pour ce qui est de la médecine, Molière l’a toujours critiqué tout au long de ses pièces. Dans celle-ci, Sganarelle porte le vêtement médical pour passer inaperçu. S’en suit un dialogue entre lui et son maître sur l’importance des médecins, dialogue qui se transforme très vite en satire implicite. En effet, Sganarelle s’octroie le droit de donner des diagnostics faux tandis que Dom Juan pense qu’ils ne peuvent pas l’être davantage que ceux délivrés par les véritables guérisseurs (Acte III scène 1 ; Dom Juan : « Et pourquoi non ? Par quelle raison n’aurais-tu pas les mêmes privilèges qu’ont tous les autres médecins ? »). Cette satire de la médecine induit aussi de la part de Dom Juan une éloge de la science et la foie en l’esprit humain (Dom Juan : « Je crois que deux et deux font quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit »).

 

Ainsi nous avons pu voir la satire de la bourgeoisie présente chez M. Dimanche ainsi que chez les médecins. Nous allons donc poursuivre sur la peinture du peuple.

 

Le peuple est quand à lui présent à la fois grâce aux serviteurs comme notamment Sganarelle, Gusman, La Violette et Ragotin, par les paysans comme Charlotte, Mathurine, Pierrot mais aussi par le pauvre.

Ce dernier symbolise une valeur : l’intégrité. En effet, Francisque se voit proposé par Dom Juan un louis d’or s’il se met à blasphémer. Mais il s’y refuse et obtient tout de même son argent. Ainsi Molière montre que l’on peut être pauvre et honnête. Cependant, on note que dans l’acte II, Charlotte, fiancée à Pierrot, semble accepter la proposition de mariage de Dom Juan si celui-ci tient ses promesses en évitant de la tromper. Elle fait alors le choix de partir pour un autre homme que son amant en faisant confiance à un étranger richement vêtu. On peut donc s’imaginer qu’elle est à la fois attirée par l’homme et par les richesses.

Dom Juan n’a aucun mal à manipuler les deux paysannes (Acte II scène 4). De plus, Molière leur donne une langue assez rurale, truffée d’injures à Dieu. Ces éléments montrent une infériorité intellectuelle entre les paysans et Dom Juan. Celle-ci se note ensuite avec l’affrontement de la noblesse et de la paysannerie remarquable à travers le conflit entre Pierrot et le noble. Cependant, Molière fait de cette scène un passage comique.

Les serviteurs sont quand à eux différents. D’une part Gusman semble être aussi moraliste que Done Elvire, tandis que Sganarelle est à la fois complice et soumis à Dom Juan (ce dernier n’hésite pas à la mettre en danger à sa place à la fin de l’acte II).

La diversité de personnages appartenant au peuple est telle qu’elle met en évidence d’importants contrastes.

 

Ainsi Molière nous présente une société où les classes sont très présentes et facilement remarquables. Les nobles sont respectueux des codes d’honneurs et de conduite mise à part Dom Juan, qui par son attitude outrage les siens. Les bourgeois sont vivement et implicitement critiqués par l’auteur. M. Dimanche, seul commerçant de la pièce, est en effet à la fois manipulé par Dom Juan et par son valet tandis que le noble critique ouvertement la médecine qu’il juge infondée et mal pratiquée. Le peuple est contrasté. On note à la fois un ermite qui vit reclus pour Dieu, des paysans qui dans leur langue insulte le Ciel et des serviteurs influencés par leurs maîtres.

 

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