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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 21:38


Dans quelle mesure le mouvement des Lumières est-il aussi un héritage de l’humanisme ?

 

« On ne peut rien voir de plus admirable dans le monde que l'homme. » affirma Pic de la Mirandole en 1486.  Né au XIV° siècle en Italie, l’humanisme est un courant de pensée européen. Croyant au progrès humain et constituant ainsi une philosophie optimiste, elle prend pour sujet d’étude l’homme inscrit au sein de la nature.

Désignant un courrant de pensée du XVIII° siècle ainsi que les philosophes qui s’en réclament, les Lumières trouvent  leur sens dans la devise énoncée par Kant : « Aie le courage de te servir de ton propre entendement. ». Il s’agit là aussi d’un mouvement européen dont les acteurs sont animés par une profonde considération pour les hommes et par leur foi envers le progrès humain.

Aussi pouvons-nous nous demander dans quelle mesure le mouvement des Lumières est-il aussi un héritage de l’Humanisme.

Nous analyserons dans un premier temps les points de convergence notables entre ces deux mouvements, avant de porter notre attention sur leurs divergences.

 

L’Humanisme et les Lumières se remarquent tout d’eux par une attitude critique envers la superstition. Dans le premier, nous pouvons noter Erasme et son Eloge de la folie où celui-ci met en évidence l’aberrance théologienne. L’astrologie est quand à elle jugée par Rabelais dans Lettre de Gargantua. Les philosophes du XVIII° siècle s’opposent aussi à la superstition comme nous pouvons le remarquer avec  l’article Théologie de d’Holbach, Traité sur la tolérance de Voltaire ou encore Lettres philosophiques du même auteur.

L’éloge de la science et de la raison se manifeste aussi dans les deux mouvements. L’Humanisme développe en effet un véritable culte du savoir avec notamment le héros emblématique de Rabelais, Gargantua, qui sera comparé à « un abîme de science » , tandis que Locke sera jugé par Montesquieu comme étant un savant éclairé ; celui-ci mettra en évidence les démarches scientifiques et rigoureuses du philosophe anglais.  

La conception de l’homme et de la dignité humaine se note dans le mouvement humaniste avec De la conscience de Montaigne ainsi que L’Utopie de Thomas More où est dénoncée la barbarie ainsi que toute forme de violence. Au XVIII°siècle Montesquieu avec Lettres Persanes et Voltaire et son Traité de la tolérance dénoncent les excès de la religion et du fanatisme.

 

Ainsi nous avons pu noter les similitudes entre ces deux mouvements, mais qu’en est-il de ce qui diverge ? C’est ce que nous verrons dans un second temps.

 

Principalement, l’humanisme se différencie des Lumières par son objectif. Celui-ci tente en effet de montrer le sublime chez l’homme. Au XVIII°siècle, les philosophes se voulaient être plutôt des arbitres de la société, cherchant à améliorer les hommes. L’homme n’est alors plus au centre des réflexions, mais il s’agit plutôt des hommes en général, des relations qu’ils ont entre eux. La vue des philosophes des Lumières est plus sociologique.

De plus, l’Humanisme est davantage portée sur la tradition, l’antiquité, tandis que les Lumières sont un mouvement de coupure entre l’ancien, se tournant alors vers le progrès et le moderne. En outre, on note la conciliation que les humanistes font entre la raison et la religion tandis que les philosophes du XVIII°siècle prône l’entendement en dénonçant le superstitieux. La religion se mêle aussi avec le scientifique dans les écrits de Rabelais, chose condamnée par les Lumières.

 

Ainsi, nous pouvons affirmer que par les similitudes observées, le mouvement des Lumières est un héritage de l’humanisme. Cependant, ce dernier fixe son observation sur l’homme, tandis que l’autre observe les liens entre les individus et les hommes en général. Elle prône aussi la science sans la mêler de religieux comme peut l’avoir fait Rabelais. Ainsi, les Lumières est une évolution de l’Humanisme.

Mais qu’en est-il des différences et des similitudes entre le classicisme et les Lumières ?

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 21:36


Quelle place occupe le rire et l’ironie dans les textes des Lumières ? En quoi sont-ils une arme contre la superstition, les persécutions et l’ignorance ?

 

Forme d’expression par laquelle on se moque de quelqu’un, de quelque chose, d’une idée, l’ironie consiste essentiellement en un décalage humoristique entre ce qui est dit et ce que l’on cherche à faire comprendre. Notamment utilisé par Voltaire dans Candide, le Portatif, De l’esclavage des Nègres etc. et par Montesquieu avec Lettres Persanes, elle fut l’arme privilégiée des philosophes du XVIII° siècle.

Aussi pouvons-nous nous demander quel fut le rôle de l’ironie dans les textes des Lumières et en quoi est-il avantageux de l’utiliser dans les critiques.

Nous analyserons dans premier temps la place de l’ironie dans les textes philosophiques du XVIII° siècle, avant de porter notre attention sur les avantages de cette arme.

 

L’ironie se traduit par plusieurs procédés rhétoriques. Dans ce sens, on note l’antiphrase qui consiste à dire le contraire de ce que l’on veut faire comprendre. La litote, une forme d’atténuation, peut elle aussi être utilisé ironiquement. La prétérition qui consiste à dire ce que l’on ne veut pas dire, l’hyperbole et l’ajout de commentaires décalés, sont aussi utilisés.

Dans une argumentation, l’ironie consiste à donner la parole à son adversaire pour montrer avec humour, les lacunes de son raisonnement. Dans une énonciation, l’auteur met délibérément une distance entre lui et son énoncé. L’ironie fut souvent utilisée par les philosophes les plus révoltés du XVIII° siècle. Voltaire par exemple, qui fut connu pour ses exiles répétées, est l’auteur de Candide, Traité sur la tolérance, Zadig, Micromégas, Lettres philosophiques et bien d’autres. A ses débuts, il utilisait énormément cette arme qui relève dans le Portatif de l’ironie dite « progressive ». Elle consiste à leurrer le lecteur avant de le désabuser. Beaumarchais quand à lui, utilisa cette forme de critique pour le monologue du Mariage de Figaro tandis que Montesquieu dans Lettres persanes avance ses critiques par le biais des railleries de Rica, un héros vif, joyeux et perspicace. L’ironie étant une forme polémique réprimée au XVIII°siècle, seuls certains auteurs se sont risqués à l’employer. On la retrouve cependant dans de nombreux pamphlets.

Ainsi nous avons vu la place de l’ironie chez quelques philosophes des Lumières, mais quel est l’intérêt de cette forme littéraire ? C’est ce que nous verrons dans un second temps.

 

Dans une argumentation, l’ironie est une arme très efficace car elle place les rieurs de son côté. De plus, par l’utilisation de ce persiflage, l’auteur habitue le lecteur à se méfier des apparences, lui apprenant le scepticisme tout en luttant contre les préjugés. Ainsi, l’ironie est une forme philosophique et pédagogique. Les superstitions sont ainsi condamnés (Exemple : Candide de voltaire avec la scène de l’autodafé). Il s’agit pour le lecteur de se demander en quoi les superstitions ont-elles des bases tangibles. Les persécutions sont quand à elles dénoncées par Voltaire avec Traité sur la tolérance (1763) où l’auteur utilise une nouvelle fois l’ironie pour mettre en évidence les superstitions, et l’intolérance religieuse. Il s’agit là d’interroger le lecteur sur la légitimité de l’intolérance. De plus, De l’horrible danger de la lecture (1765) dénonce de manière railleuse l’ignorance. De plus, on remarque que l’ironie se ressent dès le titre avec une hyperbole (due à l’utilisation du terme « horrible »).

 

Ainsi, l’ironie a une place prédominante dans les textes des Lumières. Notamment utilisée contre l’ignorance, les superstitions et les persécutions, elle joue un véritable rôle pédagogique en ralliant les lecteurs grâce au rire, et en les habituant à se méfier des apparences.Bien plus tard, l’ironie sera utilisée par G. Orwell pour dénoncer le totalitarisme stalinien.

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 21:32



« Aie le courage de te servir de ton propre entendement », écrit par Kant. Vous vous demanderez pourquoi cette formule vous semble effectivement pouvoir être, comme le précise ensuite le philosophe allemand, « la devise des Lumières ».

 

Emmanuel Kant (1724 – 1804) est un philosophe allemand qui identifia la loi morale avec la loi de la raison et posa en principe l’universalité de la morale et le respect de la personne humaine. « Aie le courage de te servir de ton propre entendement » est la devise de l’« Aufklärung » (équivalent allemand de nos Lumières) énoncée par Kant en 1784, lors de la rédaction de son ouvrage consacré à ce mouvement philosophique : Réponse à la question : « Qu’est-ce que les Lumières ? ».

Aussi pouvons-nous nous demander en quoi cette courte citation résume à elle seule l’esprit novateur des Lumières.

Nous analyserons dans un premier temps le sens de cette phrase, avant de porter notre attention sur l’idéologie des Lumières, qu’elle dépeint.

 

Dans la citation « Aie le courage de te servir de ton propre entendement », trois expressions forment le sens global de la phrase : « courage », « servir » et « entendement ». Dans le contexte, le courage désigne à la foi la résolution permettant de supporter ou d’affronter avec bravoure certains dangers, ainsi que l’énergie fournie dans la réalisation d’une entreprise. « Servir » à l’infinitif représente l’usage. Quand à l’entendement, il s’agit de l’intelligence, de la pensée, de la faculté de comprendre et de concevoir. Hormis ces termes, on note la présence du verbe « avoir » à l’impératif. Il exprime ainsi un ordre ou un conseil mais aussi une possession. De plus, cette phrase est à la seconde personne du singulier, ce qui signifie qu’elle s’adresse au lecteur. L’adjectif « propre » qualifie « l’entendement » du lecteur. Il représente ainsi la pensée saine du destinataire, non souillée par celle d’autrui. Ainsi cette expression invite le lecteur à penser par lui-même. L’impératif, présent par le verbe « avoir », ainsi que l’utilisation du mot « courage », laisse à penser que cette phrase semble être un slogan révolutionnaire écrit dans le but de défendre l’idée d’un progrès de l’humanité.

Par cette citation, Kant partage son vœu d’une progression intellectuelle de l’humanité, mais en quoi représente t’elle l’idéologie des Lumières ? C’est ce que nous étudierons dans un second temps.

 

Les principaux combats des Lumières trouvent un sens dans la citation de Kant. En effet, les philosophes ont lutté contre l’obscurantisme en dénonçant la superstition, le fanatisme, l’intolérance et donc, la manipulation et l’ignorance. Ils se sont opposés aussi à la censure en défendant la liberté d’expression et ils ont tenté de diffuser la pensée et le savoir par l’écrit de textes militant. D’autre part, ils croient en l’avancée de la science et au progrès de l’humanité.

« Aie le courage de te servir de ton propre entendement » souligne les combats des Lumières et sonne comme un slogan révolutionnaire visant à rallier chacun à l’attitude intellectuelle des philosophes. Il semblerait que cette devise soit toute indiquée pour représenter les Lumières.

 

***

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 16:19



Synthèse de l’Encyclopédie

 

Chronologie :

 

1745 : Le Breton (libraire) obtient une autorisation pour la traduction de Cyclopaedia (1728) de l’anglais Chambers.

1748 : Il obtient la publication d’une encyclopédie originale.

1750 : publication du Prospectus rédigé par Diderot.

1751 : premier tome précédé du Discours préliminaire de d’Alembert.

1752 : Condamnation et interdiction des deux premiers volumes par le conseil du roi.

1753 - 1757 : Reprise de la publication grâce à Malesherbes (directeur de la librairie)

1758 - 1765 : Suspension de la publication par interdiction royale.

1765 : Publication des dix derniers volumes et début de la publication des 11 volumes de planches.

1772 : Fin de la publication.

 

L’Encyclopédie compte 17 volumes, 15000 pages, 60660 articles et 11 volumes de planches. Elle a mobilisé 178 collaborateurs (Voltaire, Diderot (1000 articles), Jaucourt (17000 articles), Condillac, d’Holbach, Daubenton, Turgot, les abbés Morellet, Raynal...


Le but de l’Encyclopédie est de rassembler les connaissances pour les retransmettre. Celles-ci sont présentées dans un ordre alphabétique. De plus, un système de renvoi d’un article à un autre permet au lecteur d’établir des liaisons entre les questions posées. L’ouvrage porte comme sous titre : Dictionnaire des arts, des sciences et des métiers. L’Encyclopédie est aussi une entreprise de vulgarisation du savoir par laquelle les philosophes manifestent leur foi envers le progrès.


L’ouvrage manifeste une unité de démarche : celle des philosophes. Il s’agit donc d’exposer les connaissances par le biais d’un discours informatif et explicatif, non dénué d’une visée argumentative voire polémique (« Autorité » de Diderot ou « Théocratie » de d’Holbach).


Cependant, on peut noter un dialogue entre les philosophes, car dans leurs rédactions, ceux-ci expriment leurs opinions qui peuvent être divergentes.


Ainsi, par le fait que l’Encyclopédie soit un inventaire organisé des connaissances, et par la dimension idéologique de l’œuvre, on peut dire que cet œuvre s’inscrit comme symbole de l’esprit des Lumières.

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 16:12



Les Lumières

 

Qu’est-ce que Les Lumières ?

 

L’expression « les Lumières » désigne un courant de pensée du XVIII°siècle ainsi que les penseurs et philosophes qui s’en réclament (et ce, dans tout l’Europe). Il s’agit d’un mouvement européen qui se caractérise par la volonté nouvelle de comprendre le monde « à la lumière » de la raison. « Aie le courage de te servir de ton propre entendement » est la devise trouvée par Kant pour résumer ce mouvement.


Les Lumières s’inscrivent dans le sillage de la querelle des Anciens et des Modernes qui occupa le XVII°siècle. Ces derniers font confiance au progrès de l’esprit humain. On peut donc penser que les Lumières constituent un héritage partiel de l’Humanisme. De plus, l’avancée de la science avec notamment les travaux de Newton ainsi qu’avec l’évolution des méthodes de connaissance, introduisent une nouvelle méthode d’envisager le monde. L’éclosion des Lumières est aussi due à d’autres facteurs comme le développement des échanges et des voyages (remise en cause de l’ethnocentrisme) ainsi que l’essor économique de la bourgeoisie (contestation d’une société fondée sur la naissance et les privilèges).


L’image de la lumière est d’origine religieuse. Elle sera reprise par Descartes au XVII°siècle pour évoquer la « lumière naturelle » de la raison. Cette métaphore souligne le vœu de lutter contre les ténèbres de l’ignorance et de la superstition. Il s’agit là d’un des principaux combats de cette philosophie qui, en France, est largement laïcisé. Elle s’efforce en effet de combattre les ténèbres de la religion en dénonçant la superstition, le fanatisme et l’intolérance (affaire Calas). Les Lumières sont donc un mouvement militant qui entend faire partager ses idées au plus grand nombre, dans des café ou des salons, par le biais d’œuvres comme De l’esprit des lois de Montesquieu, Candide de Voltaire, l’Encyclopédie de Diderot et bien d’autres... L’ultime but poursuivi étant le bonheur terrestre (tentative de concilier bonheur individuel et bonheur collectif), cette recherche s’accompagne par l’acceptation par l’Homme de sa propre nature et d’une réflexion sur les malheurs. Rencontrant la censure et l’opposition de l’Eglise et des jésuites, les Lumières luttent aussi pour défendre la liberté. Le pouvoir politique a pourtant toléré dans l’ensemble cette philosophie, laissant quelques uns de leurs représentants au gouvernement (Turgot, le « parti philosophique »).


Il existe cependant une grande diversité d’opinions et d’idées au sein même des Lumières, notamment au sujet de la religion (déisme de Voltaire, religion raisonnablement pratiquée de Montesquieu, athéisme de Diderot, religion naturelle de Rousseau), de la société (Rousseau s’oppose aux progrès) et de la politique (Montesquieu prône une monarchie de type parlementaire, Rousseau et Condorcet sont favorables aux idées démocratiques, Diderot défend l’idée d’un despotisme éclairé).


Les Lumières jouent vraisemblablement un rôle clé dans le déclenchement de la Révolution française.

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 16:07



Né le 18 janvier 1689, Charles-Louis de Secondat du château de La Brède, futur baron de Montesquieu est l’un des plus éminent philosophe français des Lumières. Notamment connu pour  « De l’esprit des lois » (1748), œuvre colossale de trente tomes rédigée sur plus de vingt années, il sera ensuite reconnu comme étant le pionnier du libéralisme en politique. En 1717, trop poli pour ennuyer ses contemporains avec un traité aride, il cherche une façon plus plaisante de transmettre son aversion envers les travers de la société. S’en suit, en 1721, la publication à Amsterdam des Lettres Persanes, roman épistolaire qui, malgré le fait qu’il soit publié anonymement, ne trompera personne quand à l’identité de son auteur.

 

Le texte suivant est extrait de la lettre XCIX du roman. Il s’agit là d’un courrier envoyé par Rica à son ami Rhédi. Il y décrit avec humour les changements continuels de la mode et la superficialité occidentale.

Aussi pouvons-nous nous demander comment Montesquieu s’y prend t’il pour critiquer cet aspect de la société.

 

Nous verrons dans un premier temps l’expression des changements de modes, avant de porter notre attention sur la dimension caricaturale de cette lettre. Nous remarquons enfin la portée politique de celle-ci.

 

Cette lettre se compose de cinq paragraphes. Dans le premier, Montesquieu nous fait part de son regard sur la mode française : « Je trouve les caprices de la mode, chez les Français, étonnants ». De plus, dès les premières lignes, l’idée de rapidité des changements de la mode s’exprime. En effet, on remarque une mise en relation entre deux indices temporels « ils étaient habillés cet été » et « ils le seront cet hiver ». Ceux-ci sont joint à « ont oublié » et « ignorent », verbes synonymes qui expriment la superficialité des français et la rapidité des changements. En effet, cette phrase laisse à penser qu’entre l’été et l’hiver, une multitude de modes a pu apparaître et disparaître. D’autant plus que cette phrase vient après « les caprices de la mode ».

Dans le second paragraphe, l’auteur explique qu’une mode suit une autre rapidement et de manière continuelle. Pour se faire, il utilise l’image d’une description sur « leur habillement et [...] leurs parures » où l’on note l’expression du temps avec « une mode nouvelle » et « avant que tu eusses reçu ma lettre ». De plus la forte ponctuation (virgules), qui articule la pensée de l’auteur, les articulateurs logiques (« que », « et », « comme ») et le futur hypothétique avec « viendrait » (conditionnel) et « serait changé » (futur antérieur), donne une idée de mouvement autour de la mode.

Dans le paragraphe suivant (le troisième), Montesquieu donne un nouvel exemple avec une femme qui quitte Paris pendant « six mois » et revient « antique » comme si elle était partie durant « trente ans ». Cette exagération due à l’articulateur « que » appuie l’idée de changements continuels de la mode parisienne.

Dans le quatrième paragraphe, l’auteur dépeint les différentes modes autour des coiffes et des talons tout en utilisant des connecteurs temporels comme « quelquefois », « autrefois », « souvent ». Le temps se manifeste aussi par « une révolution » (événement historique), « un temps », « dans un autre » (situation temporel indéfinie), « le lendemain », « aujourd’hui », « tout à coup » etc. qui insistent sur le changement au cours du temps. Celui-ci se remarque aussi par « cette changeante nation » et une comparaison entre les générations avec « les filles se trouvent autrement faites que leurs mères ». De plus, ce paragraphe mêle une très importante ponctuation qui donne au texte un rythme binaire (points, virgules, points-virgules, points d’interrogations, deux points...). Le ton et le rythme changeant se manifeste aussi avec la présence de nombreux « et ».

Ainsi, Montesquieu dépeint les fantaisies de la mode parisienne par le biais d’expressions, d’articulateurs logiques, d’une forte ponctuation et d’un rythme soutenu dont le but est de donner l’impression d’une mode en continuelle mutation. Mais peut-on parler d’une caricature de la vie parisienne ? C’est ce que nous verrons dans un second temps.

 

La première image ironique que nous pouvons remarquer dans cette lettre se situe à la fin du premier paragraphe avec « Ils ont oublié [...] ils ignorent encore plus comment ils le seront cet hiver. » On remarque en effet une hyperbole avec l’emploi de « encore plus » qui, mêlé à la mise en relation de l’été et de l’hiver, accentue la caricature de la superficialité parisienne.

« Mais, surtout, on ne saurait croire combien il en coûte à un mari pour mettre sa femme à la mode ». L’aspect humoristique de cette phrase repose sur « Mais, surtout », connecteur qui laisse à penser que la suite est grave tandis que la vérité est inverse. En effet, la phrase repose sur l’argent avec « il en coûte », bien matériel qui ne justifie pas l’emploi de « surtout ».

L’exagération se manifeste aussi avec l’emploi du terme « antique » dans « Une femme qui quitte Paris [...] aussi antique que si elle s’y était oubliée trente ans. » « Antique » nous fait en effet penser à quelque chose d’extrêmement ancien, chose qui n’est pas le cas pour une femme passée de mode.

On remarque aussi l’amplification avec « le fils méconnaît le portrait de sa mère [...] de ses fantaisies ». Le fait qu’un fils ne reconnaisse pas sa mère à cause de ses vêtements paraît tellement disproportionné que l’image prête à sourire et à étonner.

« Quelques fois [...] tout à coup » Par cette image, Montesquieu se rie des coiffes, créant dans cette phrase l’idée d’une coiffure qui monte et descend au fil des événements. L’effet produit est comique.

« Il a été un temps [...] un piédestal qui les tenait en l’air ». L’humour et l’ironie se ressent à nouveau dans cette partie où l’auteur s’amuse des hauteurs de coiffures et de talons. « Une femme au milieu d’elle-même » relève de l’exagération tandis qu’on remarque une métaphore avec « un piédestal », comparaison implicite entre les talons et une construction réputée haute.

« Les architectes ont été souvent obligés de hausser [...] ces caprices » Dans cette citation, l’exagération se ressent par la présence de termes comme « obligés », « exigeaient » et « asservies ». L’auteur décrit avec humour tout ce que les caprices de la mode engendrent sur le paysage parisien.

« On voit quelquefois [...] et elles disparaissent toutes le lendemain ». Les mouches, sorte de points de beauté artificiels, sont ici peintes en « quantité prodigieuse » sur un même visage. Cette image est une nouvelle exagération. De plus, l’autre sens du mot mouche, l’insecte, nous donne l’impression de grouillement.

« Autrefois, les femmes avaient de la taille et des dents [...] pas question ». Cette phrase est une comparaison entre deux générations, entre les femmes « d’autrefois » et celles « d’aujourd’hui ». L’ironie est présente ici par le fait qu’il n’est pas question qu’aujourd’hui, les femmes aient de la taille et des dents. On s’imagine ainsi des femmes dénaturées.

« Aujourd’hui » ainsi que les verbes au présent ont une valeur de vérité générale.

Ainsi, Montesquieu nous propose une caricature des fantaisies de la mode parisienne par le biais d’exagérations, de l’ironie, de certains verbes au présent de vérité général et du comique de scène. Cependant, le dernier paragraphe interpelle le lecteur par sa différence. Celle-ci même que nous allons maintenant étudier.

 

Montesquieu décrit au cours des quatre premiers paragraphes de la lettre un sujet léger qu’est la mode parisienne. Il se met subitement, au dernier paragraphe, à s’en prendre au roi et aux français, qu’il critique ouvertement.  

On note en effet dans cette courte partie la mise en relation entre le peuple et le roi. « les français changent [...] leur roi », « le monarque [...] la nation », « le Prince [...] la Cour [...] la Ville [...] aux provinces ». On remarque ainsi plusieurs critiques.

Dans « les Français changent de mœurs suivant l’âge de leur roi », l’auteur s’en prend à Louis XIV, roi de France qui resta sur le trône de nombreuses années. Mais Montesquieu critique aussi la superficialité du peuple, expliquant que la personnalité des uns est fonction de celle du roi. Il rabaisse ensuite ce dernier au statut de « prince », du latin « princeps » et qui signifie premier citoyen. Il dévalue ainsi son rôle d’envoyé de Dieu.

On note aussi une gradation où Montesquieu explique que le roi transmet sa personnalité à la Cour (ses sujets), puis à la Ville (Paris, puisque on note l’utilisation d’une majuscule à « Ville ») puis enfin aux provinces. On peut s’imaginer que cette construction induit que la Cour représente la noblesse, la Ville évoque la bourgeoisie et les provinces symbolise le Tiers Etat. Par ce schéma, toute la société est critiquée, du roi jusqu’aux travailleurs.

La lettre s’achève sur « L’âme du souverain est un moule qui donne la forme à toutes les autres », phrase qui laisse à penser que l’auteur considère le peuple comme des marionnettes qui tiennent leurs personnalité de celle du roi.

 

Ainsi, on a vu que l’auteur caricature les fantaisies de la mode parisienne par une lettre satirique. Mais celui-ci ne s’arrête pas là, il va jusqu’à s’en prendre au roi et au peuple. En effet, la description d’un sujet léger lui permet de surprendre et de considérer efficacement ce qu’il juge superficiel.

D’autres auteurs ont critiqué le roi comme notamment Voltaire dans L’Ingénu.

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 15:59



Né le 18 janvier 1689, Charles-Louis de Secondat du château de La Brède, futur baron de Montesquieu est l’un des plus éminent philosophe français des Lumières. Notamment connu pour  « De l’esprit des lois » (1748), œuvre colossale de trente tomes rédigée sur plus de vingt années, il sera ensuite reconnu comme étant le pionnier du libéralisme en politique. En 1717, trop poli pour ennuyer ses contemporains avec un traité aride, il cherche une façon plus plaisante de transmettre son aversion envers les travers de la société. S’en suit, en 1721, la publication à Amsterdam des Lettres Persanes, roman épistolaire qui, malgré le fait qu’il soit publié anonymement, ne trompera personne quand à l’identité de son auteur.

 

Le texte suivant est extrait de la lettre XCVII du roman. Il s’agit là d’un courrier envoyé par Usbek au dervis Hassein. Il y décrit la raison humaine, science philosophique « féconde » et « pleine de miracle » qu’il oppose à l’obscurantisme de la religion orientale.

Aussi pouvons-nous nous demander comment Montesquieu s’y prend t’il pour faire l’éloge de la pensée rationnelle.

 

Nous verrons dans un premier temps la critique du religieux, avant de porter notre attention sur l’éloge de la pensée scientifique.

 

I. La pensée religieuse critiquée...

 

  • Une satire des pesanteurs de la religion

 

On remarque que Montesquieu, qui jusqu’alors employé un style occidental, utilise pour cette lettre une écriture beaucoup plus persane.

 

- « Ô toi, sage dervis, dont l’esprit curieux brille de tant de connaissances », dès la première ligne du texte, l’auteur emploie un discours très grandiloquent. Dans « Ô toi », « ô » est une apostrophe, sorte d’invocation qui montre le respect qu’éprouve Usbek pour le dervis. Ce terme accentue la tradition religieuse persane. De plus, Usbek complimente le religieux musulman par des adjectifs comme « sage » et « curieux ». Celui-ci « brille de tant de connaissances » ce qui, mit en relation avec « jusqu’au trône lumineux » ainsi que « elles n’éblouissent point par un faux respect », est une sorte de champ lexical de la lumière employé par l’auteur pour dénoncer l’obscurantisme.

- «...n’ont point atteint jusqu’au faîte de la sagesse orientale : ». Par cette négation, Montesquieu introduit la différence entre la pensée occidentale et celle des orientaux. Les « : » marquent le début d’une description.

- Dans celle-ci, on note plusieurs références au divin comme notamment : « jusqu’au trône lumineux » à Dieu ; « Paroles ineffables dont les concerts des anges retentissent » à Scène divine ; « fureur divine » à Cataclysme pour les scientifiques, souhait de Dieu pour les croyants ; « saintes merveilles » à Splendeurs divines. De plus, on remarque dans ce § une très forte ponctuation ainsi qu’un parallélisme syntaxique avec « ils n’ont point » et « ils n’ont ni » ce qui donne un effet d’accentuation et d’énumération. Celui-ci s’achève avec la conjonction de coordination « mais », articulateur logique d’opposition. Il s’agit là pour l’auteur, d’opposer le religieux et les « saintes merveilles ».

- « Que les législateurs ordinaires [...] dans l’immensité des espaces » Dans ce 4ème § , Montesquieu critique avec véhémence l’obscurantisme religieux. En effet, « législateurs ordinaires » à prophètes ; « Ceux-ci ne nous parlent que... » à Accusation. L’auteur accuse les théologiens de masquer les questions que les peuples peuvent se poser par des lois. La véhémence de l’attaque se note ici par l’utilisation d’une exclamation.

- « Et que crois-tu, homme divin, que soient ces lois ? » Alors que Montesquieu fait prendre à Usbek position contre le dervis, on note que celui-ci le nomme « homme divin ». Dans le contexte, on pourrait penser que cette expression peut être ironique. Cependant, elle fait toutefois partie du style persan.

- « Tu t’imagines peut-être qu’entrant dans le conseil de l’Eternel tu vas être étonné par la sublimité des mystères » à Montesquieu devance le raisonnement du dervis par le biais d’une hypothèse introduite avec « peut être ». De plus, « le conseil de l’Eternel » est une marque du style asiatique où l’Eternel est Dieu.

- « Tu renonces par avance à comprendre, tu ne te proposes que d’admirer » à Prise de position.

- « Voilà, sublime dervis [...] à perte de vue » à L’appellation « sublime dervis » alors que Montesquieu s’en est explicitement pris aux idées religieuses du personnage.

- « La connaissance de cinq ou six [...] de nos saints prophètes ». Dans ce dernier §, Montesquieu résume sa critique de la religion. Cependant, « presque autant » et « nos saints prophètes » atténuent la sévérité des propos.

 

Ainsi nous avons pu voir que Montesquieu critique la religion en général en se masquant derrière la critique des rites musulmans. Mais quel est son point de vue sur la science. C’est ce que nous analyserons dans un second temps.

 

 

 II. ...qui s’oppose à l’éloge de la raison scientifique

 

- Dans le deuxième §, on note une opposition entre le religieux et la science. « Il y a ici des philosophes qui, à la vérité, n’ont point... » s’oppose à « ils suivent dans le silence les traces de la raison humaine » grâce à la conjonction de coordination « mais ». Montesquieu cherche ainsi à montrer qu’imperméable au religieux, les philosophes occidentaux n’en sont pas pour autant attacher à la « raison humaine » ou plutôt, à la science.

- « Tu ne saurais croire jusqu’où ce guide les a conduits ». « Ce guide » qualifie la raison humaine tandis que « tu ne saurais croire » sert à introduire l’éloge de la science.

- « Ils ont débrouillé le chaos » et « ont expliqué [...] l’ordre de l’architecture divine » sont deux expressions où l’on remarque la juxtaposition des termes « débrouillé », « expliqué » avec « chaos » et « architecture divine ». Les deux premiers termes marquent le rationnel, et les deux derniers sont mit pour le divin. Par ce fait, Montesquieu explique que ce que l’on attribut au ciel peut s’expliquer logiquement.

- « Mais tu changeras bientôt de pensée [...] et ce n’est qu’après bien des réflexions qu’on en a vu toute la fécondité et toute l’étendue ». Dans ce 6ème §, Montesquieu explique que la simplicité des trouvailles scientifiques n’en font pas des fausses découvertes.

- « La première est que tout corps tend à décrire [...] approche de la ligne droite ». Dans ce 7ème §, l’auteur décrit les théories de Descartes.

- Il qualifie ensuite celles-ci de « clef de la nature », et de « principes féconds, dont on tire des conséquences à perte de vue ».

- « La connaissance de cinq ou six [...] de nos saints prophètes ». Dans ce dernier §, Montesquieu résume sa critique de la religion et son éloge de la science.

 

Ainsi, par une lettre destinée à un dervis fictif, Montesquieu critique la religion tout en se voilant derrière l’origine et le langage de ses héros. L’auteur fait alors la satire de l’obscurantisme qu’il oppose à l’éloge de la science et de la philosophie.

D’autres auteurs ont prit position contre la religion comme notamment Diderot  et sa célèbre citation extraite de Addition aux Pensées philosophique : « Egaré dans la forêt immense pendant la nuit, je n’ai plus qu’une petite lumière pour me conduire. Survient un inconnu qui me dit : Mon ami, souffle la chandelle pour mieux trouver ton chemin. Cet inconnu est un théologien. »

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 15:51



Né le 18 janvier 1689, Charles-Louis de Secondat du château de La Brède, futur baron de Montesquieu est l’un des plus éminent philosophe français des Lumières. Notamment connu pour  « De l’esprit des lois » (1748), œuvre colossale de trente tomes rédigée sur plus de vingt années, il sera ensuite reconnu comme étant le pionnier du libéralisme en politique. En 1717, trop poli pour ennuyer ses contemporains avec un traité aride, il cherche une façon plus plaisante de transmettre son aversion envers les travers de la société. S’en suit, en 1721, la publication à Amsterdam des Lettres Persanes, roman épistolaire qui, malgré le fait qu’il soit publié anonymement, ne trompera personne quand à l’identité de son auteur.

 

Le texte suivant est extrait de la lettre XXIV du roman. Il s’agit là d’un courrier envoyé par Rica à son ami Ibben. Il y décrit la vie parisienne comme le jeune persan la découvre à son arrivé dans la capitale.

Aussi pouvons-nous nous demander comment Montesquieu donne t’il une portée subversive à ce texte.

 

Nous verrons dans un premier temps la portée subversive de ce texte, avant de porter notre attention sur les moyens de la satire.

 

I. La portée subversive de cette lettre

 

Idées subversives : Idées qui vont à l’encontre de l’ordre établi.

 

  • L’embarras de Paris

 

Dès les premières lignes, Montesquieu nous dépeint « l’embarras » parisien avec :

 

- Des verbes de mouvement : « descendu », « marcher », « courent », « volent », « vais souvent à pied », « vient après moi », « me passe », « me croise »...

- Scène de rue : « Un homme vient après moi [...] m’avait pris ».

- « Il n’y a point de gens au monde qui tirent mieux partie de leur machine que les français » à Critique de la soif de vitesse des français qui se manifeste aussi par une comparaison : « les voitures lentes d’Asie [...] tomber en syncope »

- « mouvement continuel » à impression de grouillement.

- « Les maisons y sont si hautes [...] six ou sept maisons les unes sur les autres » à Montesquieu insiste sur le peuplement important.

- Hyperbole : « Ils courent, ils volent », « Je suis plus brisé que si j’avais fait dix lieux ».

- Difficulté à « Bien des affaires avant qu’on soit logé »

- Champ lexical de la foule : « peuplée », « le monde », « gens », « un homme » (et « régulièrement » ce qui donne un effet de répétition dans l’action)...

Ainsi, Montesquieu commence son texte par dénoncer l’embarras parisien.

 

  • La banalisation du roi

 

Dans ce 6ème paragraphe, Montesquieu tourne sa critique vers le roi.

- Affirmation : « Le roi de France est le plus puissant prince de l’Europe » à « prince », du latin « princeps » signifie « premier citoyen » et à pour but de banaliser le titre divin du monarque.

- « Il n’a pas de mines d’or [...] mais il a plus de richesse » à Négation permettant d’articuler une comparaison entre le roi d’Espagne qui tire ses richesses de ses ressources et Louis XIV qui « les tire de la vanité de ses sujets, plus inépuisable que les mines. » Montesquieu critique alors et le roi de France, et l’orgueil des français.

- « des titres d’honneur à vendre » à Allusion aux « assignats », offices royaux que les sujets, dans le cas où ils faisaient de grandes choses pour leur roi, devaient eux-mêmes payer. Cependant, ce principe fonctionnait très bien. Montesquieu reproche cette fausse rémunération.

- « ses troupes se trouvaient payées, ses places, munies, et ses flottes, équipées. » à Dénonciation des nombreuses guerres que faisait le roi de France, utilisant pour cela beaucoup d’argent.

- « ce roi est un grand magicien » à Montesquieu utilise l’ironie pour comparer le roi à un illusionniste. Il dénonce ainsi les « apparences ». De plus on note un mini champ lexical de l’esprit et de la persuasion avec « esprit », « penser », persuader », croient », « dans la tête », « convaincus », « croire ». Ainsi, le roi maîtrise des apparences qui jouent un rôle d’embrigadement sur les français.

- Parallélisme syntaxique : « s’il a... » à Hypothèse

- « un morceau de papier est de l’argent » à Dénonciation de l’ampleur de la monnaie fiduciaire.

- « persuader qu’un écu en vaut deux » à Dénonciation de l’inflation et du rajout de plomb dans les pièces.

- « croire qu’il les guérit de toutes sortes de maux en les touchant » à remise en cause du divin.

Ainsi, après avoir parlé d’un sujet léger, Montesquieu s’en prend vigoureusement au roi de France, cherchant à banaliser sa condition et à ouvrir les yeux de ses lecteurs quand aux divagations qu’exerçaient ce pouvoir.

 

  • La critique du pape et de la religion

 

Suite à la critique du roi de France, Montesquieu attaque le pape et par de là, la religion chrétienne.

- « Il y a un autre magicien [...] s’appelle le Pape » à banalisation, il rabaisse le Pape au statut du roi, puis à celui de magicien. Pour Montesquieu, les pouvoirs du Pape n’ont rien de divin, ils ne sont que trop réels. Montesquieu dénonce le fait que le peuple est conservé dans l’obscurantisme (dénonce des pratiques).

- «  trois ne sont qu’un » (trinité), « le pain que l’on mange n’est pas du pain » (corps du christ), « que le vin qu’on boit n’est pas du vin » (sang du christ) à Montesquieu dénonce la religion chrétienne.

- « J’enrage quelquefois comme un chrétien » à retournement de la vue des chrétiens sur les persans et les turcs.

Cet extrait s’achève sur une critique de pape et de la religion.

Ainsi on a vu que Montesquieu commençait à dénoncer l’embarras parisien, puis le roi avant de critiquer le Pape. Mais quand est-il des moyens de la satire ? C’est ce que nous verrons dans un second temps.

 

II. Les moyens de la satire

 

  • Rica, un critique jeune et vif

 

Montesquieu, par le biais du regard de son jeune héros Rica, dénonce.

* Tout d’abord, on remarque la naïveté du héros qui se ressent dès le second paragraphe avec « Paris est aussi grand qu’Ispahan ». Celui-ci compare la capitale de l’Occident à sa ville d’origine qui est, même à cette époque, bien moins importante.

* On note l’utilisation de tournures, d’expressions et d’hyperboles qui accentues les propos du Persan :

- « Les maisons y sont si hautes [...] habitées que par des astrologues. » Cette comparaison soutient l’impression de hauteur des habitations parisiennes.

- Grâce à « Tu juges bien », Montesquieu interpelle implicitement la réflexion du lecteur.

- « six ou sept maisons les unes sur les autres » : par cette image, Rica appuie l’aspect insolite (pour un persan) de voir des étages. Montesquieu joue ici sur l’inverse de la banalisation.

- « est extrêmement peuplée » à Hyperbole qui insiste sur le peuplement important de Paris.

- « Il n’y a point de gens au monde qui tirent mieux partie de leur machine que les français »  à Négation renforçant l’idée que les français utilisent plus leurs véhicules que leurs pieds.

- Argument d’expérience : « Pour moi qui ne suis pas fait pour ce train [...] je reçois régulièrement et périodiquement ».

- Expressions « persanes » comme « j’enrage quelquefois comme un chrétien », expression détourné de « j’enrage comme un turc » par Montesquieu.

- Scène de rue : « Un homme vient après moi [...] m’avait pris ». (comique)

- « depuis les pieds jusqu’à la tête » expression qui vise à accentuer sur l’action d’éclabousser.

- « ...régulièrement et périodiquement... » à Juxtaposition de deux articles synonymes.

- « tomber en syncope » à expression ironique.

- « à peine que le temps de m’étonner » à Rica s’étonne, c’est un esprit vif.

- Comparaison entre la Perse et Paris.

 

  • Autres moyens de la satire

 

*La structure du texte : Sectionné en 7 paragraphes.

- Le 1er introduit le sujet

- Le 2ème sert de support à la critique de l’embarras parisien.

- Le 3ème développe la critique déjà mentionnée par le biais d’une comparaison et d’un argument d’expérience à valeur comique (scène de rue).

- Le 4ème fait la transition entre la critique légère des rues parisiennes, avec celle du roi Louis XIV.

- Le 5ème est la critique du roi.

- Le 6ème est le développement de cette critique par des exemples.

- Le dernier est la critique du Pape, qui s’aligne sur celle du roi (perte de légitimité des deux monarques).

 

- Le texte est en majorité au présent de l’indicatif : valeur de vérité générale.

- « Tu juges bien... » Interpellation des lecteurs.

- Il s’agit d’une lettre à « Tu ne le croirais peut-être pas », le lieu « à Smyrne », « tu jugeras »...

- Le comique : scène de rue.

- Comparaison à Ispahan & Perse avec Paris & l’Occident.

 

Ainsi Montesquieu critique  par une lettre surprenante les embarras de Paris, pour aboutir sur une critique du discours religieux, du roi et du pape. Cette construction en pyramide à laquelle s’ajoutent quelques artifices propre à la satire (dont la personnalité d’Usbek) permet à l’auteur de faire passer un message percutant.

D’autres, comme Voltaire dans L’Ingénu, ont critiqué Paris et le roi (Montesquieu étant le précurseur de Voltaire).

 

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 15:45



Né le 18 janvier 1689, Charles-Louis de Secondat du château de La Brède, futur baron de Montesquieu est l’un des plus éminent philosophe français des Lumières. Notamment connu pour  « De l’esprit des lois » (1748), œuvre colossale de trente tomes rédigée sur plus de vingt années, il sera ensuite reconnu comme étant le pionnier du libéralisme en politique. En 1717, trop poli pour ennuyer ses contemporains avec un traité aride, il cherche une façon plus plaisante de transmettre son aversion envers les travers de la société. S’en suit, en 1721, la publication à Amsterdam des Lettres Persanes, roman épistolaire qui, malgré le fait qu’il soit publié anonymement, ne trompera personne quand à l’identité de son auteur.

 

L’extrait suivant se compose des lettres XI et XII du roman. Il s’agit là d’un comte envoyé par Usbek à son ami Mirza. Il y fait mention d’un peuple, les troglodytes, qui après avoir connu les pires horreurs dues à leur manque d’humanité, pourront se sauver grâce à la vertu.

Aussi pouvons-nous nous demander pour quelle raison Montesquieu place-t-il un apologue dans son roman épistolaire.

 

Nous verrons dans un premier temps l’histoire de ce peuple, avant de porter notre attention sur l’utilisation de l’apologue.

 

I. L’histoire des troglodytes

 

1.1 Un peuple décadent  animé par la cupidité…

 

  • Les Troglodytes sauvages : Un régime politique plus qu’instable

 

- « ressemblaient plus à des bêtes qu’à des hommes », Montesquieu marque par une comparaison le fait que ce peuple n’est pas d’organisation sociale apparente. Il montre aussi l’aspect sauvage des troglodytes qui n’ont aucune valeur humaine. Cette comparaison entre la bestialité (ours, serpent) et l’humanité se poursuit ensuite avec « Ceux-ci n’étaient point si contrefaits […] ni de justice. Dans « principe d’équité et de justice », Montesquieu sous-entend équilibre et démocratie.

- « Ils avaient un roi d’une origine étrangère […] et exterminèrent toute la famille royale. » Montesquieu continu son récit en expliquant qu’une monarchie n’a pas put s’intégrer chez ce peuple. «…les traitaient sévèrement » nous rappelle le despotisme.

- « ils créèrent des magistrats […] ils les massacrèrent encore. » Montesquieu montre une seconde fois l’impossibilité de faire régner un gouvernement chez les troglodytes. Il semblerait que l’histoire de ce peuple colle avec celle des romains (roi étranger à Tarquin le Superbe (étrusque) ; magistrats à consuls de Rome).

- « libre de ce nouveau joug » Le joug en question étant celui qui se sont eux-mêmes imposer, on en conclut que les troglodytes ne peuvent supporter aucune contrainte, même celle qui ont une légitimité. La démocratie est alors impossible à « tous les particuliers convinrent qu’ils n’obéiraient plus à personne ».

- « Chacun veillerait uniquement à ses intérêts » Montesquieu met en avant l’anarchie.

L’absence d’équité, de solidarité et de cohésion engendre une impossibilité de placer un gouvernement à la tête des troglodytes ce qui les poussera à en partie disparaître.

- Champs lexical péjoratif : comparaison à des bêtes, « indigne de leur présence », « méchanceté naturel », « féroces », « méchants », « je ne me soucie point que tous les autres troglodytes soient misérables »… De plus, on remarque que pour les scènes sombres, Usbek ou plutôt Montesquieu emploie un style léger ce qui montre un peu plus l’aspect pitoyable des « sauvages ».

- Les troglodytes sont eux-mêmes divisés entre « les peuples des montagnes » et ceux « des plaines » pourtant, ils sont autant ignobles les uns avec les autres et la calamité les affecte tous.

 

1.2 …qui sera sauvé grâce à la vertu.

 

  • Les troglodytes vertueux : Naissance d’un régime politique stable

 

- «  Il y avait dans ce pays deux hommes bien singuliers » Montesquieu nous décrit ici deux troglodytes tout ce qu’il y a de plus humains. Contrairement au lexique péjoratif constater précédemment pour la description des « sauvages », ceux là ont de l’humanité, connaisse la justice, aiment la vertu, sont intègre, capable de compatir à la souffrance des autres, aiment le travail et leurs femmes… Il existe une union entre ces deux hommes (« une sollicitude commune », « un intérêt commun »). Ils semblent vivre en autarcie pour se protéger des autres pour qui ils ont de la compassion.

- « Ils aiment leurs femmes » s’oppose aux viols et aux enlèvements chez les mauvais troglodytes.

- « Ils eurent bientôt la consolation des pères vertueux qui est d’avoir des enfants qui leur ressemblent » ils cherchent à transmettre leur savoir et y arrivent grâce aux mariages et à la nouvelle génération (accroissement biblique de la population mis en relation avec « chéri des dieux ».

- Changement du comportement des troglodytes : « un peuple si juste devait être chéri des dieux », « ils instituèrent des fêtes », « ne régnait pas moins que la frugalité », « nature naïve », « donner le cœur et le recevoir », « pudeur virginale », « les tendres mères », « une union douce et fidèle », « de pareils souhaits étaient indignes des heureux troglodytes », « la santé de leurs pères, l’union de leurs frères… », « la cupidité était étrangère », « les troupeaux étaient toujours confondus » (confiance).

On note alors que la vertu à rendu les anciens troglodytes et leurs cortèges de vices à devenir des hommes pleins de bonté, de fraternité, d’égalité, de confiance, d’amour, de compassion sans pour autant être privé de liberté (absence de gouvernement mais naissance de religion avec la vertu). Montesquieu nous fait l’éloge d’une utopie basée sur « l’humanité » dans le bon sens du terme.

 

II. L’utilisation de l’apologue

 

2.1 Le comte dans un roman épistolaire

 

  • La place de l’apologue dans une lettre fictive

 

Lettres Persanes est un roman épistolaire. Montesquieu utilise ainsi une correspondance entre plusieurs persans pour dénoncer les travers de la société occidentale. Ainsi, comme pour toute lettre, on remarque un destinataire (Mirza), un lieu (D’Erzeron à Ispahan), une date (le 3 de la lune de Gemmadi 2, 1711). De plus, l’auteur utilise une nouvelle arme pour critiquer, il insère un apologue dans sa lettre, pratique déjà utilisée par les persans.

- En effet on passe d’un dialogue adressé à Mirza (premier paragraphe) au comte par « il y avait en Arabie », expression souvent trouvée au début d’histoires et d’apologues au même titre que « il était une fois ».

- Présence d’un imparfait de description et d’un vocabulaire assez basique. Celui-ci peut sans doute provenir du vœu de l’auteur de répandre sa réflexion au plus grand nombre.

- Rythme soutenu dû à l’emploi d’une forte ponctuation ce qui donne une fluidité au texte.

- Cet effet « historique » dû à « peut être ce morceau d’histoire te touchera plus qu’une philosophie subtile » donne un semblant d’objectivité à Usbek et donc à Montesquieu. De plus, toute la subtilité de la philosophie de l’auteur provient justement de l’utilisation de cette histoire.

- L’histoire des troglodytes se compose de plusieurs lettres. La première (11ème) fait mention des mauvais troglodytes. On remarque alors l’utilisation de questions rhétoriques comme « Qu’ai-je affaire d’aller me tuer à travailler pour des gens dont je ne me soucie point ?... » qui montrent toute la cupidité, la méchanceté et l’ignominie de ces personnages. L’auteur utilise toute sorte de procédés pour montrer la sauvagerie de ces personnes à ils sont alors noyés dans l’obscurantisme.

- Cependant, dans la lettre 12, deux troglodytes à l’écart du groupe cherchent à changer les travers de leurs confrères. Ceux-là nous font alors penser aux philosophes des Lumières qui sont « l’œil externe de la société » cherchant sans cesse à montrer les injustices et les défauts de celle-ci. De plus, ils sont comparés à « des pères vertueux » : la vertu signifiant le goût qu’ils peuvent avoir à faire les choses plus que correctement avec le sens du devoir accompli.

 

2.2 Le message de Montesquieu

 

  • La dimension politique de ce texte

- Montesquieu montre qu’il est nécessaire que les hommes soient liés pour que chacun trouve son compte.

- L’auteur fait l’apologie du libéralisme et de l’utopisme en montrant les biens faits d’une société sans gouvernement, mais basée sur la vertu (« pères vertueux » à philosophes à Montesquieu s’encens lui-même ainsi que le travail de ses amis et confrères philosophes des Lumières)

- Dimension déiste avec l’apparition de la religion qui prend d’elle-même une place importante chez les bons troglodytes. De plus, la religion peut être synonyme de valeurs morales chez Montesquieu, plus que de fanatisme.

- Opposition entre la cupidité, l’orgueil et l’intérêt particulier avec l’intérêt général, la fraternité, l’équité et l’entraide.

- Perpétuation des valeurs grâce à l’éducation.

 

Ainsi, l’utilisation de l’apologue ainsi que de nombreux autres procédés permet à Montesquieu d’exposer son vœu d’un bonheur individuel et durable. Celui-ci recherche en effet une société libertaire, égalitaire, où chacun vit en harmonie sans qu’il y est pour autant de gouvernement ou de monarque pour diriger le tout. Contrairement aux mauvais troglodytes, les bons sont uniquement animés par les valeurs morales et humaines que des philosophes leurs ont inculqués. Ainsi, l’auteur place le conte pour démontrer de manière légère que « les hommes sont nés pour être vertueux » et qu’avec cette vertu innée, on peut créer un société que l’on peut qualifier d’utopiste.

Montesquieu a dans d’autres ouvrages parlé de ses opinions politiques comme notamment dans De l’esprit des lois, qui n’est ni plus ni moins que l’œuvre de sa vie.

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 15:36



Texte étudié

Conçu initialement pour réparer l’erreur judiciaire à l’origine de l’affaire Calas, cet ouvrage acquiert progressivement une portée universelle, devenant un plaidoyer en faveur de la tolérance.

 

   Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l’habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de la boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir.
   Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu’à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant.

Voltaire, Traité sur la tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas (1763), chapitre XXIII. 


Lecture Analytique

A Toulouse en 1761, Marc-Antoine Calas est trouvé pendu dans sa propre maison. La rumeur publique accuse son père, le calviniste Jean Calas, de l’avoir assassiné pour l’empêcher de se faire catholique et de dépenser la fortune familiale lors de son mariage. Clamant son innocence, le vieux drapier sera cependant rompu vif sur la roue le 10 mars 1762. Un homme, François-Marie Arouet dit Voltaire, va pourtant prendre parti en faveur du condamné par le biais d’un ouvrage : Traité sur la tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas (1763).

 

Né dans une riche famille parisienne, Voltaire fera ses études chez les jésuites. Connu dès l’âge de 24 ans grâce au succès d’Œdipe, il prit de nombreuses fois position contre toutes sortes d’injustices, ce qui lui valut plusieurs séjours à la Bastille, quelques exiles et une place de choix parmi les philosophes des Lumières.

 

Dans l’extrait suivant,  intitulé « Prière à Dieu », Voltaire développe son vœu de fraternité entre les hommes. Aussi pouvons-nous nous demander de quelle manière le philosophe cherche-t-il à imposer son message de tolérance et de solidarité.

 

Nous analyserons dans un premier temps le pessimisme de Voltaire en notant sa vision de l’Homme et la dimension polémique de ce récit. Dans un second temps, nous porterons notre attention sur le déisme de l’auteur en remarquant un paradoxe entretenu par l’attaque faite par Voltaire sur le religieux qui s’oppose aux louanges que celui-ci écrit à Dieu.

 

I. Une conception pessimiste de l’Homme

 

A. L’Homme vu par Voltaire

 

  • Un lexique péjoratif

 

Dans ce texte, Voltaire a une conception très péjorative de l’Homme. En effet, on peut lire :

- « ...faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers... » (l.2-3)

- « ...les erreurs attachées à notre nature... » (l.5)

- « ...nos débiles corps... » (l.8)

- « ...entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux... » (l.8-10)

- « ...les atomes appelés hommes... » (l.12)

- « ...des signaux de haine et de persécution... » (l.12)

Pour Voltaire, la nature humaine est loin d’être parfaite. On note cependant l’emploi de la première personne du pluriel (« nous », nos »...), ce qui implique que l’auteur se place parmi les hommes et ne cherche pas à voir ces êtres si imparfaits comme des étrangers. Ainsi, Voltaire se déprécie au même titre que le reste de l’humanité.

 

  • Opposition entre le Divin et l’homme

 

Comme vu précédemment, l’auteur à une vision péjorative de l’Homme, qu’il n’hésite pas à déprécier. Cependant, on note aussi la mise en relation de la nature imparfaite de celui-ci avec la splendeur divine :

- « Ce n’est pas aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes, de tous les temps... » (l.1) Dieu est donc qualifié d’omniscient.

- « S’il est permis à de faibles créatures [...], d’oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature... » (l.2-5) « oser » et « daigne » définis une idée d’infériorité de la part des hommes face à Dieu.

- « ...entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi... » (l.11) Nouvelle dépréciation.

- « ...car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir. » (l.21) Dieu possède tout.

Ainsi, Voltaire considère la nature humaine (dont il fait parti), comme profondément imparfaite et va jusqu’à la comparer à l’idée de l’être suprême (et donc selon lui, parfait).

 

B.  La dimension polémique de ce message

 

  • Un plaidoyer pour la tolérance

 

- « ...nous nous aidions mutuellement à supporter une vie pénible et passagère... » (l.7)

« Supporter » du latin « tolerate » qui rappel la tolérance ; « mutuellement » traduit l’idée de solidarité.

- « ...Dieu de tous les êtres, de tous les mondes... » (l.1) Dieu est universel, il n’y a donc pas lieu d’avoir des discordes à ce sujet.

- « ...ceux qui [...] supportent ceux qui... » Voltaire montre son désir tolérance.

- « ...que ceux qui  [...] ne détestent pas ceux qui... » (l.15), « ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix... » (l.25) On note un désir de la part de l’auteur : celui qu’une paix durable s’installe.

- « ...employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu’à la Californie... » (l.24) Souhait d’une tolérance ethnique et religieuse.

 

  • Un texte polémique

 

- Voltaire s’implique comme nous pouvons le noter par la présence de la première personne du singulier (« je », « me »). Il endosse le rôle de narrateur interne.

- De plus, le lexique péjoratif analysé plus haut est complété par une touche ironique (« ...un certain métal... » (l.19), « ...ceux qui allument des cierges en plein midi... » (l.13)...etc.

- La progression de Voltaire est visible par la structure du texte. On note en effet la présence de deux §. Dans le premier, il blâme l’humanité et expose son vœu de tolérance tandis que dans le second, il résume le souhait déjà exposée dans le premier §: « Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! » (l.22)

- De plus le texte, qui se compose principalement de phrases longues, est rythmé par la présence de « ; » et de « , ». Voltaire articule donc sa pensée par la ponctuation et par quelques connecteurs logiques (« ou », « que »), permettant ainsi au lecteur de suivre la logique du narrateur.

Ainsi ce texte qui se veut être un plaidoyer en faveur de la tolérance, n’en est pas moins polémique.

 

II. Voltaire : Un auteur déiste

 

A. Une prière faite à Dieu

 

  • Une prière écrite

 

- Utilisation de la deuxième personne du singulier (« tu ») lorsque l’auteur s’adresse à Dieu.

Présence de trois temps verbaux principaux :

- Le présent de narration qui est utilisé ici pour donner un rythme soutenu au récit.

- Le subjonctif avec « ...puissent tous les hommes... » (l.22) ce qui imprime l’idée d’un vœu et donc ici, d’une prière.

- L’impératif avec des verbes comme « daigne », « fais » qui montre un changement : le souhait se transforme en ordre.

De plus, on remarque des expressions comme « je m’adresse » (l.1) ou encore « te demander » (l.3) ce qui prouve le fait que ce texte soit une prière.

 

  • Un destinataire omniscient

 

On note un champ lexical mélioratif pour qualifier Dieu :

- « Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps » (l.1) Dieu est donc omniscient. On note un parallélisme syntaxique pour accentuer sur les qualités du divin.

- « ...à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels... » (l.3). Présence d’un nouveau parallélisme syntaxique avec la répétition de « à toi » qui sert à accentuer l’idée d’un dieu tout puissant.

- « ...daigne regarder en pitié... » (l.4). Le terme « regarder » montre que Dieu voit tout (il est omniscient), tandis que l’expression insiste sur l’esprit compatissant du divin maître.

- « ...Tu ne nous as point donné... » (l.5), « ...ton soleil... » (l.14). Dieu est définit comme le Créateur.

- « ...car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir. » (l.21) Dieu est ici un exemple d’humilité.

Ainsi l’auteur exprime son vœu par une prière faite à Dieu. Selon Voltaire, celui-ci est à la fois éternel, généreux, omniscient, bon, compatissent...en somme, il est parfait. Cette perfection envisagée par le philosophe montre les croyances de celui-ci qui sans doute, croit en l’existence d’un être suprême.

 

B. Une attaque contre la religion

 

  • L’utilisation de l’ironie

 

Nous avons pu constater que l’ironie prend une place importante dans ce texte, l’incluant dans le registre polémique. Mais Voltaire donne un rôle bien particulier à cette forme de raillerie. En effet, nous pouvons noter plusieurs périphrases pour désigner les catholiques et les protestants.

- « ...ceux qui allument des cierges en plein midi... », « ...ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche... », « ...un jargon formé d’une ancienne langue... », « ...ceux dont l’habit est teint en rouge et en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de boue de ce monde et qu’ils possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal. ». Ces expressions expriment le dégoût (« boue ») de Voltaire au sujet des catholiques. On remarque l’utilisation de périphrases et de l’ironie pour donner plus de poids à sa raillerie. L’auteur désigne les catholiques de dépensiers, d’orgueilleux, de traditionalistes, d’intolérants, de jaloux etc.

- L’auteur ne qualifie pas les protestants aussi violement qu’il le fait avec les catholiques. On peut en effet lire quelques périphrases : « ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil », « ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire », « un jargon plus nouveau ». Voltaire semble penser que les protestants sont plus modernes, moins dépensiers et vivent plus sobrement que les catholiques. Il attaque donc ces derniers.

 

 

Voltaire accuse implicitement

 

Nous avons pu remarquer que l’auteur utilise un lexique péjoratif lorsqu’il écrit sur les catholiques. De plus, étant donné qu’il adresse son message de tolérance aux hommes par l’intermédiaire de Dieu, on peut s’imaginer qu’il accuse la morale catholique d’être l’auteur du « brigandage » (l.23) énoncé dans le second §. Peut être que pour lui, l’intolérance vient essentiellement de la religion catholique.

 

Ainsi, Voltaire s’oppose à l’intolérance par une prière à Dieu. Celle-ci semble être une astuce mise en place par l’auteur pour atteindre la conscience des croyants, ceux-là mêmes qui s’affrontent les uns contre les autres. Cependant, il semblerait que Voltaire ne soit pas objectif, mais accuse le catholicisme d’être la source de l’intolérance.

Nous aurions pu étudier la place de ce texte dans le mouvement philosophique des Lumières.

D’autres auteurs ont prit part à de grandes affaires comme notamment Emile Zola dans l’affaire Dreyfus avec l’article « J’accuse ».

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