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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 18:44



« Je suis moi-même Mme Bovary » Cette citation extraite des propos de Flaubert qui, perfectionniste et auteur réaliste malgré lui, nous offre un chef d’œuvre de la littérature française, tant par le style d’écriture que par la psychologie peinte des personnages.

Né en 1821 et mort en 1880, Flaubert est un des plus illustres auteurs du XIXème siècle, au même titre que Balzac, Sand ou encore Stendhal. Critiquant avec véhémence le Réalisme, courant littéraire davantage connu par des auteurs ni figurant pas que par les réels réalistes, Gustave Flaubert à eu tout au long de sa vie  un souci maladif pour le détail, consultant plus de milles livres pour la seule rédaction de Salammbô.

Ecrit sur plus de sept ans, Madame Bovary est le roman de la consécration de Flaubert. Il y peint avec minutie la vie d’une provinciale qui cherche à échapper au traintrain quotidien en trouvant l’amour en la personne de Rodolphe, un noble libertin.

Dans ce texte extrait du chapitre 13 de la deuxième partie de Madame Bovary, Rodolphe, séducteur et amant de l’héroïne, écrit une lettre de rupture à Emma.

Aussi pouvons-nous nous demander comment Flaubert brosse-t-il le portrait d’un homme lâche ?

Nous verrons dans un premier temps le regard que porte Rodolphe sur Emma avant d’analyser le triple portrait de l’auteur fait du personnage.

 

I. Le regard de Rodolphe sur Emma Bovary

 

Cet extrait ne fait pas directement intervenir l’héroïne. Ainsi, on apprend à la connaître par le biais du regard que lui porte son amant, Rodolphe :

 

- Pour Rodolphe, Emma Bovary est tout d’abord naïve. En effet, on peut le remarquer grâce aux adjectifs « confiante et folle » qualifiant la jeune femme dans la lettre qui lui est adressée.  La confiance est une espérance en une personne, en un acte, en une chose. Or lorsqu’elle est mêlée de folie, cette espérance relève de la naïveté.

- « Si je lui disais que ma fortune est perdue ?...Ah ! non, et, d’ailleurs, cela n’empêcherait rien. Ce serait à recommencer pus tard. » Pour l’auteur de la lettre, Emma est attirée par le luxe et par les titres. Mais elle est aussi amoureuse à l’excès et « Ce serait à recommencer pus tard » insiste sur le fait qu’elle est autant attirée par l’homme que par son capital.

- « Est-ce qu’on peut faire entendre raison à des femmes pareilles ? » : Pour Rodolphe, Emma le prive de liberté. Il est libertin et elle est amoureuse. Elle est donc plus difficilement malléable, ce qui semble pousser le personnage à la rupture.  

- « Pourquoi étiez-vous si belle ? » et « Soyez toujours bonne ! » : L’héroïne est alors considérée pour sa beauté, non pour sa personnalité.

- « N’en accusez que la fatalité » : cette citation peut être un clin d’œil de l’auteur, en effet à la fin du roman, Charles Bovary accuse la fatalité lorsqu’il se penche sur le corps sans vie de son épouse. L’incapacité des personnages à maîtriser leur destin semble mettre en évidence un registre tragique. Il est cependant pathétique.

- « Partout où nous eussions été » à La jeune femme veut s’enfuir avec son amant ; elle retranscrit dans sa vie ce qu’elle lit dans ses romans. Emma est le personnage type romanesque.

- « Si vous eussiez été une de ces femmes au cœur frivole comme on en voit » : Emma s’implique trop dans la relation : elle veut s’enfuir avec l’homme qu’elle aime.

- De plus, étant donné que Rodolphe mesure ses propos avec « Comment vais-je signer, maintenant ? », on peut s’imaginer que Emma est une femme émotionnellement fragile.

- « Pour qu’elle ne vienne pas à ma relancer » : par cette phrase, on sait que Rodolphe trouve Emma envahissante.

Ainsi Flaubert nous dépeint un personnage libertin, noble de province, qui séduit les femmes lui laissant suffisamment de liberté. Or, il considère Emma comme  amoureuse, belle, naïve, romanesque et envahissante ce qui le poussera à la rupture. Mais qu’en est-il de la personnalité de Rodolphe ? C’est ce que nous verrons dans un second temps.

 

II. Une double personnalité

  • Le Rodolphe connu par Emma

 

- « Si je lui disais que ma fortune est perdue ? » et « elle va peut être croire que c’est par avarice que je renonce » : Emma connaît Rodolphe en parti pour son rang dans la société et pour son capital. La jeune femme étant attirée par le luxe et la renommée, elle est donc amoureuse.

- « L’idée seule des chagrins qui vous arrivent me torture » : L’héroïne peut penser, par les expressions et l’écriture de Rodolphe, que l’homme est attentionné, qu’il la voit comme une personne entière et qu’il ressent réellement ce qu’il écrit.

- « Oubliez-moi ! » à le dramatisme de cette expression semble légitimer l’acte de Rodolphe, ce qui peut pousser Emma à le croire réellement amoureux.

- « j’agis dans son intérêt ; je suis honnête. » Par cette phrase, Rodolphe essaie de se trouver des excuses. L’honnêteté qu’il se trouve transparait dans son tempérament, aussi peut-on imaginer qu’Emma le croit honnête. 

- « Pauvre ange », par cette métaphore, Rodolphe se montre compatissant. Emma peut le croire réellement amoureux.

  • Le véritable portrait de Rodolphe

 

Rodolphe apparaît comme un homme lâche, fuyant ses responsabilités en jouant sur l’hypocrisie :

 

- « J’ai voulu m’enfuir au plus vite », « si vous eussiez été une de ces femmes » (21)à lorsque Rodolphe parle d’amour et de leur liaison, il le fait au passé ce qui implique que leur relation est finie.

- « L’idée seule des chagrins qui vous arrivent me torture » à le présent utilisé pour la description des ressentis d’après union accentue sur la rupture et la rend quasi irrémédiable.

- Dans sa lettre, Rodolphe parait faussement lyrique tandis que Flaubert nous le décrit plus terre à terre en retranscrivant ses propos :

 Le lyrisme se retrouve grâce à :

- Des apostrophes et des injonctions : « Du courage, Emma ! », « Emma ! Oubliez-moi ! » (3 ;17)...

- Des exclamations : « Ô mon Dieu ! non, non, n’en accusez que la fatalité ! » (19), « je n’en sais rien, je suis fou ! » (33)...

- Des interrogations rhétoriques donnent l’impression d’une argumentation : « Avez-vous mûrement pesé votre détermination ? » (5)

- Des hyperboles : « l’abime où je vous entraînais » (5), « et moi qui voulais vous faire asseoir sur un trône » (31)

- Comparaison : « moi qui emporte votre pensée comme un talisman » (32)

- « Insensés » (7), « pourquoi étiez-vous si belle ? » (18), « confiante et folle » (6), « l’ombre de ce bonheur idéal comme à celle du mancenillier, sans prévoir les conséquences » : illusion d’un bonheur perdu

- De plus, l’acte d’écrire sa rupture met en évidence la lâcheté du personnage. En effet, il peut réfléchir à ses idées : « si je lui disais que ma fortune est perdue ? » (9), « Comment vais-je signer ? » (44), « voilà un mot qui fait toujours de l’effet » (20)... De plus, écrire peut le sécuriser dans son entreprise : « j’agis dans son intérêt ; je suis honnête ».

- Le regard du narrateur se superpose au discours de Rodolphe ce qui accentue sur la psychologie du personnage « Rodolphe s’arrêta ici pour trouver quelque bonne excuse »(8)

 

Par son texte, Flaubert nous dépeint les traits d’un libertin lâche, cherchant des conquêtes naïves et mariées pour sauver sa liberté. Or lorsqu’Emma décide de, sous l’impulsion de ce qu’elle lu dans ses romans, partir avec son amant, celui-ci décide de se séparer par le biais d’une lettre. Hypocrite, Rodolphe considère Emma comme une femme aussi jolie qu’envahissante. Nous avons donc pu voir que le personnage du lâche possède deux personnalités : une connue par sa conquête, Emma, l’autre connue par les lecteurs.

Le thème de la déception amoureuse revient régulièrement dans les œuvres réalistes du XIXème comme notamment avec la liaison impossible entre Raphaël de Valentin, pauvre cherchant à se faire un nom, et Foedora, riche et belle noble célibataire se jouant des hommes dans La peau de chagrin de Balzac.

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