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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 14:42


Texte étudié :

"Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un présent du Ciel, et chaque individu de la même espèce a le droit d’en jouir aussitôt qu’il jouit de la raison. Si la nature a établi quelque autorité, c’est la puissance paternelle : mais la puissance paternelle a ses bornes ; et dans l’état de nature, elle finirait aussitôt que les enfants seraient en état de se conduire. Toute autre autorité vient d’une autre origine que la nature. Qu’on examine bien et on la fera toujours remonter a l’une de ces deux sources : ou la force et la violence de celui qui s’en est emparé ; ou le consentement de ceux qui s’y sont soumis par un contrat fait ou supposé entre eux et celui à qui ils on déféré l’autorité.


      La puissance qui s’acquiert par la violence n’est qu’une usurpation et ne dure qu’autant que la force de celui qui commande l’emporte sur celle de ceux qui obéissent : en sorte que , si ces derniers deviennent a leur tour les plus forts, et qu’ils secouent le joug, ils le font avec autant de droit et de justice que l’autre qui le leur avait imposé. La même loi qui a fait l’autorité la défait alors : c’est la loi du plus fort.


      Quelquefois l’autorité qui s’établit par la violence change de nature ; c’est lorsqu’elle continue et se maintient du consentement exprès de ceux qu’on a soumis : mais elle rentre par là dans la seconde espèce dont je vais parler et celui qui se l’était arrogée devenant alors prince cesse d’être tyran.


      La puissance, qui vient du consentement des peuples suppose nécessairement des conditions qui en rendent l’usage légitime, utile à la société, avantageux à la république, et qui la fixent et la restreignent entre des limites ; car l’homme ne doit ni ne peut se donner entièrement sans réserve a un autre homme, parce qu’il a un maître supérieur au-dessus de tout, à qui seul il appartient tout entier. C’est Dieu, jaloux absolu, qui ne perd jamais de ses droits et ne les communique point. Il permet pour le bien commun et pour le maintien de la société que les hommes établissent entre eux un ordre de subordination, qu’ils obéissent à l’un d’eux ; mais il veut que ce soit par raison et avec mesure, et non pas aveuglément et sans réserve afin que la créature s’arroge pas les droit du créateur. Toute autre soumission est le véritable crime de l’idolâtrie."


Lecture Analytique

« Egaré dans la forêt immense pendant la nuit, je n’ai plus qu’une petite lumière pour me conduire. Survient un inconnu qui me dit : Mon ami, souffle la chandelle pour mieux trouver ton chemin. Cet inconnu est un théologien. »

 

Cette courte citation extraite de Addition aux Pensées philosophiques écrit en 1762 par Denis Diderot traduit à elle seule, tout l’athéisme de l’auteur. Celui-ci s’inscrit dans le mouvement philosophique et littéraire des Lumières. Notamment connu pour avoir grandement collaboré à la publication de l’Encyclopédie (1751 – 1772), œuvre titanesque de 17 volumes rédigée sur plus de 20 ans dont il écrivit plus de 1000 articles.

 

La théorie de Diderot est principalement inspirée des thèses du philosophe anglais Locke dans son Traité du gouvernement civil (1689), ainsi de celles d’auteurs comme Rousseau (Discours sur l’inégalité et Contrat Social). Pour lui, « Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres ». Il s’agit d’ailleurs de la thèse d’un de ses articles, « Autorité », paru en 1751 dans le premier volume de l’Encyclopédie. Il y définit trois formes de puissance : l’autorité naturelle, l’autorité émanant de la violence et celle découlant d’un consentement.

 

L’extrait suivant de « Autorité » développe donc sa théorie. Aussi pouvons-nous nous demander comment Diderot s’y prend-il pour dénoncer l’autorité, dans un contexte politique répressif.

 

 Nous analyserons dans un premier temps l’audace du raisonnement de Diderot en notant les différentes définitions que celui-ci fait de l’autorité et la manière dont il les expose. Puis dans un second temps, nous porterons notre attention sur la parade que Diderot a mit au point pour éviter la censure.  

 

I. Un raisonnement audacieux

 

A. Diderot : Un penseur rigoureux

 

  • Un texte didactique structuré :

 

- Au paragraphe 1 (1 à 8) : Enoncé de la thèse de l’auteur et distinction des trois autorités (autorité naturelle, autorité émanant de la violence et autorité découlant d’un consentement)

- Au paragraphe 2 (9 à 13) : Définition de la puissance qui s’acquiert par la violence.

- Au paragraphe 3 (14 à 17) : Transition

- Au paragraphe 4 (18 à 27) : Définition de la puissance due à un consentement et justification de son argumentation (Dieu).

De plus, dans ce texte argumentatif, on remarque la présence de nombreux connecteurs logiques comme « mais » (l.3 et 15), « ou » (l.6 et 7), « car » (l.20), « aussitôt » (l.2 et 4), « quelque fois » (l.14), « en sorte que » (l.10), « autant que » (l.9), « si » (l.3 et 10) etc. Ceux-ci ont pour but d’articuler la pensée de l’auteur pour que le lecteur puisse suivre le cheminement intellectuel. Diderot cherche ainsi à enseigner, le texte est donc didactique.

 

  • Des termes soigneusement choisis :

 

On remarque que dans la rédaction de son texte, Diderot est à la fois objectif et catégorique.

- L’objectivité se ressent par la présence d’un unique pronom impliquant l’auteur : « Qu’on examine bien » (l.6). Par l’emploi de « on », Diderot semble jouer le rôle d’intermédiaire. Nous pouvons noter aussi « quelquefois » (l.14), terme qui montre que l’auteur prend en compte des cas rares. De plus, nous pouvons remarquer une hypothèse exprimée par la conjonction de subordination « Si » dans la phrase « Si la nature a établi quelque autorité, c’est la puissance paternelle... » (l.3) ; « c’est » est un terme plus incisif, plus catégorique. De plus, on note la présence de « mais » dans « mais la nature à ses bornes » (l.3). Il s’agit là d’une concession. On remarque ensuite l’emploi de deux verbes au conditionnel : « elle finirait [...] seraient » (l.4), ce qui indique que l’auteur ne cherche pas à démontrer la théorie qu’une autorité naturelle existe. Nous pouvons remarquer un autre « si » dans « si ces derniers deviennent à leur tour les plus forts ». Celui ne marque cependant pas l’objectivité de l’auteur car il est suivi d’un verbe au présent. Temps qui a dans ce texte une valeur de vérité générale. L’utilisation du verbe « suppose » dans « suppose nécessairement des conditions qui en rendent l’usage légitime », montre une nouvelle fois la tentative que Diderot fait pour montrer que celui-ci est objectif. Tous ces termes rendent le texte en apparence neutre. Ce n’est pourtant pas le cas.

- Dès l’énoncé de sa thèse, Diderot montre qu’il est catégorique dans l’expression de ses opinions. « Aucun » et « le droit » dans « Aucun homme n’a le droit de commander aux autres » (1.1) ne laisse en effet aucune place à la concession. De plus, on note que le temps principal de ce texte est le présent de vérité général. « Chaque individu » (l.2), « le droit » (l.2), « aussitôt » (l.2 et 4), « c’est » (l.3), « toute autre » (l.5), « toujours » (l.6) [...] sont autant d’expressions qui désignent l’aspect strict de la pensée de l’auteur. De plus, nous pouvons remarquer la présence de phrase courte en fin de paragraphe, ce qui permet à Diderot de placer des constats forts et donc, d’accrocher le lecteur. Les phrases longues quand à elles sont là pour le développement de l’argumentaire.

Ainsi, on peut s’imaginer que Diderot ne cherche pas la polémique, mais bien à enseigner sa théorie. Il rend son texte neutre par le biais d’artifices, mais reste catégorique dans sa conception de l’autorité.

 

B. Un texte engagé

 

  • Diderot expose sa théorie de l’autorité

 

Comme vu précédemment, Diderot définit trois types d’autorités :

- L’autorité naturelle venant de la mère et qui s’achève lorsque l’enfant est apte à vivre seul. Elle est donc limitée. Il s’agit là d’une thèse formulée par l’auteur, mais celui-ci ne cherche pas à la justifier ni à l’illustrer.

- L’autorité émanant de la violence. On note un champs lexical de la violence avec des termes comme « violence », « force », « joug », « obéissent », « soumis », « imposé », « tyran »... La mise en relation du « joug » avec la « justice » laisse planer l’idée d’une oppression. Nous pouvons aussi noter la présence d’une antithèse entre « celui qui commande » et « ceux qui obéissent » (l.10). Selon l’auteur, cette puissance est illégitime comme laisse le supposer la transition « ...celui qui se l’était arrogée devenant alors prince cesse d’être tyran » (l.16-17).

- L’autorité qui vient du consentement du peuple est quand à elle « légitime, utile à la société, avantageux à la République » (l.19) et limité. La présence de ces adjectifs mélioratifs trahie l’opinion de Diderot qui va plus nettement en faveur de cette dernière forme d’autorité.

 

Dans un premier temps, nous avons vu que par un raisonnement construit, Diderot s’oppose à l’autorité de l’homme qui s’établit par la violence. Il s’agit donc d’une réflexion audacieuse contre le pouvoir en place à cette époque, qui a pour habitude de censurer les essais politiques contre la monarchie. Dans un second temps, nous examinerons le stratagème mis en place par Diderot pour tenter d’échapper à la censure.

 

II. Une parade contre la censure

 

A. Dieu : Un argument de valeur

 

  • L’origine de la liberté et de l’autorité selon Diderot

 

Selon l’auteur, « la liberté est un présent du ciel ». Il s’agit là d’une périphrase car le ciel représente un Dieu. Diderot étant athée, on en conclut que pour lui, la liberté est un fait naturel. A l’inverse, on remarque la répétition du mot « droit » ainsi que la mise en parallèle d’une réfutation avec une affirmation (« Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un présent du ciel... » l.1-2). L’auteur semble chercher à prouver que l’autorité provient du droit, et donc de l’homme.

 

  • Un discours prophétique

 

- Présence d’un champs lexical sur Dieu : « Ciel » (l.2), « maître supérieur » (l. 21), « Dieu » (1.22), « maître [...] absolu » (1.23), « créateur » (1.27).

 

- Selon l’auteur, « l’homme ne doit ni ne peut se donner entièrement et sans réserve à un autre homme, parce qu’il a un maître supérieur au-dessus de tout, à qui seul il appartient tout entier. » (l.21-22) Il ajoute : « C’est Dieu, dont le pouvoir est toujours immédiat sur la créature [...] mais il veut que ce soit par raison et avec mesure, et non pas aveuglément et sans réserve, afin que la créature ne s’arroge pas les droits du Créateur » (l. 22-27). On note la présence de verbes comme « permet » (l.24) et « veut » (l.25) qui caractérisent ce que Dieu accepte et désire. De plus, on remarque que Diderot qualifie « le créateur » de « maître aussi jaloux qu’absolu, qui ne perd jamais de ses droits et ne les communique point » (l.23). Son pouvoir « est toujours immédiat » (l.22). Ainsi, Diderot semble prendre le rôle d’un prophète dictant les paroles de Dieu comme si celles-ci émanent directement de l’intéressé. De plus, il dicte le comportement que chacun doit prendre : « il veut que ce soit par raison et avec mesure, et non pas aveuglément et sans réserve » de manière implicite car masqué derrière le catholicisme.

Ainsi, selon Diderot, la liberté et l’autorité proviennent de Dieu, seul maître apte à gouverner les hommes. Dieu est donc employé comme argument de valeur.

 

 

 

B. Diderot : Un athée convaincu

 

  • Une vision péjorative de Dieu

 

Dieu est qualifié par l’auteur de « maître aussi jaloux qu’absolu, qui ne perd jamais de ses droits et ne les communique point » (l.23). Son pouvoir « est toujours immédiat » (l.22). L’emploi des termes « jaloux », « absolu », « au-dessus de tout » et la mise en relation des termes « créature » (l.26) et « créateur » (l.27) (antithèse) montrent un lexique très péjoratif.

 

  • Une critique implicite de la monarchie

 

Comme vu précédemment, Diderot utilise l’image de Dieu comme argument de valeur. De plus, on remarque l’utilisation de termes catholiques pour dénoncer la monarchie de droits divins. En effet, nous pouvons noter la présence de l’adjectif « jaloux » pour qualifier Dieu, ainsi que « ne perd jamais [...] ne les communique point » (l.23). Ainsi « le créateur » ne partage pas ses pouvoirs et donc, la théorie avancée d’un monarque émissaire de Dieu, est réfutée. Il permet toutefois « que les hommes établissent entre eux un ordre de subordination, qu’ils obéissent à l’un d’eux » (l.25) mais il pose des conditions : « mais il veut que ce soit par raison et avec mesure » (l.26). On trouve ici une antithèse entre « raison » et « aveuglément », figure de style qui nous rappel la métaphore du flambeau (Lumières) irradiant l’obscurantisme.

 

Ainsi, Diderot s’oppose à l’autorité de l’homme qui s’établit par la violence, par le biais d’une réflexion audacieuse. Cependant cette entreprise de dénonciation du gouvernement monarchique n’est pas faite de manière explicite. Au contraire, il utilise un argument de valeur qui n’est autre que Dieu et emploi du vocabulaire catholique. Il se place alors dans le rôle d’un prophète dictant la parole divine, cette même parole qui va dans le sens du raisonnement de Diderot. Quoi de plus logique pour un fervent athée qui, pour reprendre le sens de la citation énoncée dans l’introduction, brandi la chandelle pour éclaircir l’obscurantisme religieux. Il s’agit là de deux des nombreux combats entrepris par la philosophie des Lumières et qui ont pu jouer un rôle lors de la séparation de l’Eglise et de l’Etat et l’installation d’une République.

Nous aurions pu étudier les influences de Diderot lorsque celui-ci a écrit son texte.

Le despotisme est aussi critiqué par Montesquieu dans le chapitre 6 du livre XI de De l’esprit des lois (1748).

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 14:24



Texte étudié


"Il y a dans chaque État trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil.


Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les crimes, ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance de juger, et l’autre simplement la puissance exécutrice de l’État.


La liberté politique dans un citoyen est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté ; et pour qu’on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel qu’un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen.

Lorsque dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté ; parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement.


Il n’y a point encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pourvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire : car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur.


Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers.


Dans la plupart des royaumes de l’Europe, le gouvernement est modéré, parce que le prince, qui a les deux premiers pouvoirs, laisse à ses sujets l’exercice du troisième. Chez les Turcs, où ces trois pouvoirs sont réunis sur la tête du sultan, il règne un affreux despotisme. "


De L’esprit des Lois (1748)


***

« Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. Il faut donc que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »


Cette courte citation extraite de « De l’esprit des lois » (1748), œuvre colossale de trente tomes rédigée sur plus de vingt années, résume à elle seule la pensée de son auteur, Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, philosophe français des Lumières et pionnier du libéralisme en politique.


La théorie de Montesquieu est principalement inspirée des expériences anglaises de ce dernier, qui y vécut un temps et pût constater la naissance du parlementarisme et des toutes premières tentatives de séparations des pouvoirs qu’il admirât profondément. Pour lui, la concentration des trois pouvoirs – qu’il distingue au premier paragraphe du texte qu’il nous incombe d’étudier comme étant « la puissance de faire les lois » (le pouvoir législatif), « la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens » (le pouvoir exécutif) et « la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit public » (le pouvoir judiciaire) – entre les mains d’un seul conduit inévitablement au despotisme. Pour qu’enfin, le « pouvoir arrête le pouvoir », Montesquieu énonce sa célèbre théorie de l’équilibre des pouvoirs, préconisant une séparation organique mais non fonctionnelle de ceux-ci. Le partage des pouvoirs devant selon lui conduire à l’établissement d’un gouvernement modéré qu’il n’aura de cesse d’appeler de ses vœux tout au long de sa vie.


L’extrait suivant du chapitre 6, Livre XI de « De l’esprit des lois » prépare donc à l’énoncé de la fameuse théorie de l’équilibre des pouvoirs. Comment Montesquieu s’y prend-il pour poser les bases du message qui  le fera rentrer dans la postérité comme l’un des pères fondateurs de la science politique moderne ?


Montesquieu est tout d’abord un penseur de l’équilibre. Ce fait indéniable transparaît dans son texte tant au niveau de la forme que du fond. Le philosophe applique ici un raisonnement modéré qui s’inscrit dans le courant rationaliste des Lumières, raisonnement qui lui permet de poser les bases de sa célèbre théorie de l’équilibre des pouvoirs. Montesquieu est également l’un des plus farouches pourfendeurs de la tyrannie et du despotisme, et les conséquences d’un déséquilibre des pouvoirs, qu’il s’évertue à nous montrer dans son texte, sont la conséquence d’un déséquilibre de la pensée.

 

  1. I.        Montesquieu, penseur de l’équilibre

  2. A.    Un raisonnement modéré qui s’inscrit dans le rationalisme des Lumières
  • Un texte démonstratif structuré :

-         Aux paragraphes 1 et 2 : Distinction des trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire)

-         Aux paragraphes 3 et 4 : Montesquieu présente l’intérêt de l’équilibre entre ces trois pouvoirs (thèse de l’auteur)

-         Aux paragraphes 5, 6 et 7 : Montesquieu s’attache à justifier ses positions. Cette démonstration placée en fin de texte, elle-même composée de trois parties, vient étayer et illustrer sa thèse.

  • Des termes soigneusement choisis :

On remarque que dans la rédaction de ce texte, Montesquieu est lucide, méthodique, raisonné :

-         Il emploie des phrases courtes, dénuées d’ironie, à la manière d’un texte didactique.

-         Il mesure ses propos pour éviter la censure et la polémique

-         On peut donc s’imaginer que son but n’est pas de choquer, mais bien d’instruire le peuple avec cette sérénité si caractéristique du penseur.

ð     Ainsi, le père du libéralisme en politique s’inscrit donc bien dans le courant rationaliste des Lumières, analysant méthodiquement et à la lumière de la raison la situation qu’il cherche à démontrer.

  1. B.     Montesquieu pose les bases de la théorie de l’équilibre des pouvoirs
  • Montesquieu expose sa théorie de la liberté :

Montesquieu expose sa conception de la liberté. « La liberté se définit comme le droit de faire tout ce que les lois permettent ; et si un citoyen pouvait faire ce qu’elles défendent, il n’aurait plus de liberté parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir », explique l’auteur dans un autre texte que « De l’esprit des lois ». Pour lui, la liberté de chacun se doit d’être encadrée par un gouvernement et par des lois. Mais si le gouvernement concentre ces pouvoirs entre ses mains seules, la république (l’Etat) deviendrait alors autoritaire, les citoyens le craindraient et la liberté politique serait alors inexistante.

  • Montesquieu annonce la théorie de l’équilibre des pouvoirs :

La solution que Montesquieu propose n’est pas tant de séparer les pouvoirs, comme il le suggère à la ligne 16 du texte : « […] n’est pas séparée ». Mais plutôt de faire en sorte qu’ils n’atterrissent pas entre les mains d’un même homme ou d’un groupe de personnes (l. 20). Montesquieu prône ainsi un équilibre des pouvoirs pour que ceux-ci fonctionnent ensemble sans pour autant se voir concentrés entre les mains d’une seule institution. Voilà tout le sens de la séparation « organique mais non fonctionnelle » que préconise la théorie de l’équilibre.

  1. II.      Montesquieu, pourfendeur de la tyrannie et du despotisme

  2. A.    Les conséquences d’un déséquilibre des pouvoirs
  • Montesquieu démontre sa thèse sous forme d’équation :

-         Paragraphe 4 (l. 12-15) : Thèse : lorsque les pouvoirs législatifs et exécutifs sont entre les mains d’un seul homme, on peut craindre le despotisme.

-         Paragraphe 5 (l. 16-19) : Législatif + Judiciaire = Jugement arbitraire, celui qui fait les lois pourrait les faire appliquer sans contrôle.

-         Paragraphe 5 (l. 15-19) : Exécutif + Judiciaire = Oppression, le pouvoir de juger devient le seul fait du prince.

  • Résultat de l’équation ? L’absolutisme ne peut être évité que par l’équilibre :

Paragraphe 6 (l.20-22) : Répétition « Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps de principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs.» : on lit dans cette courte phrase une crainte palpable chez Montesquieu, la crainte que la tyrannie n’empiète sur la sphère de liberté de l’individu. Montesquieu ne rejette pas seulement l’absolutisme d’un seul, il se montre également critique envers toute forme d’oligarchie (aristocratie ou même oligarchie populaire). La seule manière pour lui de mettre un terme à l’arbitraire que ces modes de gouvernements entraîneront inévitablement selon lui reste la séparation organique des pouvoirs.

  1. B.     L’arbitraire : conséquence d’un déséquilibre de la pensée
  • Pour Montesquieu, la modération des gouvernements réclame la probité de ces dirigeants :

Paragraphe 7 (l.23-27) : « Dans la plupart des royaumes d’Europe, le gouvernement est modéré, parce que le prince, qui à les deux pouvoirs, laisse à ses sujets l’exercice du troisième ». Cet argument, qui renvoie sans nul doute aux voyages que Montesquieu a eu le loisir d’effectuer tout au long de sa vie (notamment en Europe : Allemagne, Hongrie, Italie etc.) démontre que sans honnêteté, il n’est pas possible de mettre en place le gouvernement modéré. C’est parce le prince prend à sa charge de déléguer une partie de ses pouvoirs que peut se mettre en place un gouvernement modéré en Europe.

  • L’absence de modération des dirigeants enferment leurs sujets dans le giron du despotisme :

Paragraphe 7 (l.23-27) : Montesquieu oppose son premier exemple avec celui du régime Turc de son époque : « Chez les Turcs, où les trois pouvoirs sont réunis sur la tête du sultan » (l.25). Ainsi, cette métaphore nous laisse imaginer que le sultan porte une couronne qui symbolise ses pouvoirs et lui donnerait la légitimité de les exercer. L’emploi du terme « affreux despotisme » nous montre cette fois le visage le plus critique de Montesquieu, opposé à toute forme d’autoritarisme : le sultan turc n’est pas une personne modérée, son gouvernement est à son image.

Ainsi, au travers de l’étude de ce texte, nous avons pu voir de quelle manière Montesquieu posait les bases de sa théorie de l’équilibre des pouvoirs, par le biais d’un raisonnement construit et argumenté à rapprocher du rationalisme des Lumières, couplé à une critique sous-jacente du despotisme.

Les théories de Montesquieu ont eu une influence directe durant la Révolution de 1789, les révolutionnaires français souhaitant s’inspirer de la théorie de l’équilibre des pouvoirs pour rompre avec l’Ancien Régime qui les asservissaient, en mettant en place le fameux gouvernement modéré. Mais bien vite, les tentatives des révolutionnaires conduirent à l’épisode de la Terreur, puis aux coups d’Etat successifs du Directoire, avant que la stabilité ne revienne suite au… coup d’Etat du 18 brumaire et à la mise en place d’un gouvernement répressif et militaire par Napoléon Bonaparte. La théorie et la mise en pratique sont souvent deux choses difficiles à concilier.

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